Comment éviter les perturbateurs endocriniens ?

      Omniprésents dans notre quotidien, les perturbateurs endocriniens dénaturent le système hormonal. Avec l’accumulation des publications scientifiques, leurs effets délétères sont de mieux en mieux décrits. Ainsi, ils interfèrent avec les hormones naturelles, même à des doses infimes. Ils impactent la santé, notamment la fertilité, et augmentent le risque de cancers hormonaux dépendants. Alors, voici les points principaux pour les reconnaître, connaître leurs conséquences et surtout comment s’en préserver !

Définition

      Les perturbateurs endocriniens sont des molécules chimiques qui altèrent le système hormonal. Les hormones sont produites par les glandes endocriniennes ou exocrines, comme la thyroïde, le pancréas, les testicules pour les hommes et les ovaires pour les femmes. Ces messagers déclenchent une fonction cible de la cellule en s’assemblant sur les récepteurs dédiés. Par leur ressemblance avec les hormones naturelles, les perturbateurs endocriniens se fixent sur ces récepteurs. Ainsi établis, ces toxiques empêchent les hormones d’agir ou bien activent la cellule, ce qui perturbe la fonction hormonale.

Exemples de catastrophe causée par 3 perturbateurs

          Dans son livre culte, Printemps silencieux, Rachel CARSON, dénonçait les ravages des pesticides dès les années 1960. Les avions épandaient du DDT, recouvrant les sols d’une poudre blanche. Elle observait la disparition des oiseaux sauvages de l’environnement. Dans son laboratoire, elle constatait l’atrophie des glandes sexuelles. Par la suite, le DDT a été interdit. Autre molécule, le distilbène a été prescrit pour les femmes, même pour les femmes enceintes. Le drame a éclaté quand les médecins ont découvert le cancer du vagin, chez les jeunes filles des mères traitées par ce médicament. 10 juillet 1976, un nuage toxique s’échappe de l’usine de Seveso, en Italie. Une poussière blanche recouvre les sols. Les animaux commencent à mourir, puis les végétaux. Puis les enfants ressentent des brûlures et des boursouflures rouges sur la peau. Les dirigeants de l’entreprise attendent avant d’alerter et, pendant neuf jours, gardent le silence sur la substance répandue, la dioxine. Les années suivantes, les études dévoilent une augmentation des tumeurs du pancréas, de la vessie, du rectum, du foie et du système digestif.

Le bisphénol A (BPA)

     La masse d’études sur le BPA a confirmé ses effets nocifs et son mode d’action par similitude avec les œstrogènes et les autres hormones. Il est associé à des troubles de la fertilité, à des maladies cardiovasculaires, à des cancers hormonaux et à de l’obésité. La source majeure d’exposition semble être l’alimentation via un contact direct avec les emballages plastiques, mais il pourrait être aussi absorbé par la peau. De plus, une transmission de la femme enceinte au fœtus, de la mère au bébé, à travers le placenta et le lait maternel, a également été démontrée [1]. Depuis  2015, il a été interdit dans tous les contenants alimentaires. Cependant, 100 % des Français dépassaient le seuil de sécurité dans les urines, en 2020. Selon les premières études, le bisphénol B et le bisphénol S, remplaçants du BPA depuis son interdiction, présentent des risques similaires pour la santé.

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Corinne LALO, Laurent LALO. Les perturbateurs endocriniens : tout ce qu’on ne vous dit pas – Le grand désordre hormonal. Édition revue et augmentée Le Cherche Midi 2024

Principales familles

Dans son livre, le grand désordre hormonal, Corinne LALO décrit les effets néfastes de ces polluants sur la faune, les hommes et les femmes. Elle montre leur présence considérable dans notre société et leur rôle dans de nombreuses maladies. Pour les mémoriser, elle les classe en 6 catégories principales :

  • Pesticides

    Produits phytosanitaires pour tuer les insectes, les moisissures et les mauvaises herbes.

  • Plastifiants

    Bisphénols = plastiques mous, phtalates = plastiques durs.

  • Perfluorés

    PFAS, PFOA utilisés comme enduits imperméabilisants et antiadhésifs.

  • Pharmaceutiques

    Enrobage gastro-résistant des comprimés, médicaments.

  • Parabènes

    Additifs alimentaires (E218, E214), conservateurs dans les cosmétiques et les médicaments.

  • Polybromés

    Retardateurs de flamme bromés, utilisés dans les plastiques, les textiles et les équipements électroniques.

      Parmi les métaux, le plomb, le cadmium et l’aluminium dérèglent aussi le système endocrinien.

Les conséquences pour les hommes

      Les effets avérés de ces polluants sur la fertilité masculine et la baisse des niveaux de testostérone sont bien documentés [2]. Ils peuvent entraîner une diminution du nombre et de la qualité des spermatozoïdes, ainsi qu’une augmentation des lésions de l’ADN des spermatozoïdes. Des niveaux plus élevés de bisphénols urinaires ont montré une corrélation avec une altération de la qualité du sperme. Quant aux niveaux urinaires de phtalates, il existe une association avec au moins un paramètre de sperme indiquant une faible qualité de sperme. Ils jouent un rôle sur la dysfonction érectile étant donné la dépendance hormonale des tissus érectiles. Exposés à du distilbène ou à des phytoœstrogènes, ces tissus ont diminué leur contractibilité lors d’essais contrôlés. Les médicaments psychotropes, comme les antidépresseurs et les stabilisateurs de l’humeur, peuvent affecter la fonction sexuelle. Ils modifient l’axe hypothalamo-hypophysaire (hypothalamus et hypophyse = glandes du cerveau) qui régule les glandes endocrines.

Les conséquences pour les femmes

      Certains perturbateurs endocriniens sont fortement associés à des maladies corrélées avec l’infertilité féminine, comme le syndrome des ovaires polykystiques (SOPK) et l’endométriose. Les femmes qui souffrent de SOPK présentent un déséquilibre hormonal qui provoque l’absence d’ovulation, première cause d’infertilité. Quelques études ont démontré une concentration plus élevée de BPA chez les adolescentes et les femmes atteintes de SOPK. Par ailleurs, des échantillons urinaires de femmes avec plus de résidus de phtalates ont été associés à un nombre plus faible d’ovules, de grossesses et de naissances vivantes. L’exposition environnementale aux perturbateurs endocriniens tels que les PCB, les dioxines, le BPA et les phtalates contribue aux troubles fonctionnels de l’endométriose [3]. De même, ils dégradent le système reproducteur féminin, comme en témoigne le nombre croissant de fibromes utérins, des insuffisances ovariennes prématurées, des irrégularités menstruelles et des pubertés précoces.

Les cancers hormonaux dépendants

      Les perturbateurs endocriniens peuvent contribuer à l’apparition du cancer de la prostate et à l’exacerbation de son développement. Dans le monde, il s’agit du deuxième diagnostic de cancer le plus fréquent chez les hommes. Rare, le cancer des testicules représente cependant environ 60% de tous les cancers masculins chez les hommes de 15 à 44 ans, dans la population mondiale. Les méta-analyses ont montré que l’exposition maternelle était associée à un risque plus élevé de ce cancer chez les descendants [4]. Les cas de cancer du sein, cancer féminin le plus fréquent, ont beaucoup augmenté dans les dernières décennies. La plupart des études ont indiqué que l’exposition aux pesticides organochlorés, aux phtalates et aux métaux lourds était associée à un risque accru de cancer du sein.

Autres maladies

      Les études effectuées pour chaque type de perturbateur montrent bien des conséquences spécifiques. Par exemple, l’exposition aux polybromés, aux phtalates et aux métaux lourds augmente le risque de cancer de la thyroïde. Cependant, la difficulté d’étudier ces composés toxiques simultanément ne permet pas d’évaluer l’effet cocktail de ces molécules, ce qui est la réalité de notre environnement. Ils interfèrent avec le métabolisme du foie et du pancréas, ce qui peut contribuer à l’obésité, au diabète et à la MASH (Stéatohépatite associée à un dysfonctionnement métabolique)[5]. Enfin, ils altèrent le fonctionnement neurologique avec pour conséquences des troubles cognitifs.

Sources de perturbateurs endocriniens

Les perturbateurs présents au quotidien

      Bien qu’interdits depuis la fin du 20ème siècle, les produits chimiques chlorés (PCB) contaminent l’air, l’eau et les aliments en raison de leur persistance. Les composés perfluorés (PFC) sont très répandus pour faciliter l’usage de nombreux objets, en particulier dans les revêtements imperméabilisants et les poêles antiadhésives (PFOA et PFAS). Les retardateurs de flamme au brome sont présents dans les appareils électroniques, les peintures et l’ameublement. On trouvera les bisphénols dans les plastiques, à ne surtout pas chauffer via le micro-ondes pour éviter leur passage dans l’alimentation. Les phtalates sont présents dans les plastifiants, les produits d’hygiène et de beauté, les emballages alimentaires et même les gélules de certains médicaments. Le triclosan et les parabènes sont des antimicrobiens, généralisés dans les cosmétiques et aussi dans certains dentifrices. Pour finir cette liste non-exhaustive, les biocides sont très utilisés en agriculture conventionnelle.

Liste des perturbateurs endocriniens

Conclusion

      L’utilisation des perturbateurs endocriniens dans une myriade de produits facilite la vie quotidienne. Cependant, les effets négatifs sur la santé sont de plus en plus évidents et importants. Ils sont suspectés d’une pléthore de maladies. L’impact le plus fort semble se produire au moment de la grossesse, pour les fœtus. Aussi, la connaissance et l’usage des produits industriels par les consommateurs détermineront l’ampleur de leur prolifération. Et avant tout, veillez à votre alimentation, première source d’exposition via les emballages, les pesticides et les additifs.

Sources :

  1. Bisphénol A une menace émergente pour la fertilité féminine ↩︎
  2. Substances chimiques perturbatrices endocriniennes et fertilité masculine des effets physiologiques aux effets moléculaires ↩︎
  3. Perturbateurs endocriniens et endométriose ↩︎
  4. Perturbateurs endocriniens et le risque de cancer des testicules : Une revue systématique et une méta analyse ↩︎
  5. Perturbateurs endocriniens : un médiateur occulte de la maladie métabolique ↩︎

  « Ceux et celles qui ne réservent pas quotidiennement un peu de temps pour leur santé devront un jour consacrer beaucoup de temps à leur maladie. » Sebastian Kneipp, prêtre et thérapeute